Au Maroc, le répit n’a duré que le temps d’un discours
L’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM) suit avec préoccupation et inquiétude le mouvement de protestation et de revendication que connait actuellement le Maroc. Ne pouvant rester insensible au vent de liberté qui a soufflé sur la région, le Maroc va voir naitre son mouvement du 20 février, constitué essentiellement de jeunes citoyens et soutenu par les forces démocratiques et les associations de la société civile dont celles de défense des droits humains pour réclamer la liberté, la dignité, la justice sociale, la démocratie et l’Etat de droit. Les grandes manifestations pacifiques du 20 février, organisées dans plus de 50 villes marocaines, ont montré la maturité et l’ampleur du mouvement. Et si dans l’ensemble, ces manifestations se sont généralement bien déroulées, nous condamnons toutefois les violences policières dont ont été victimes les manifestant(e)s et les militant(e)s des droits de l’Homme et qui ont conduit à la mort du jeune Karim Chaïb à Séfrou. Cinq autres ont trouvé la mort à El Hoceima dans des conditions non encore élucidées. Poussée par le désespoir et le climat général pesant, Fadwa Laroui, jeune femme de 25 ans et mère de deux petits enfants, a mis fin à sa vie en s’immolant par le feu, le 23 février à Souk Sebt, dans la région de Tadla-Azilal.
Plusieurs arrestations ont été opérées et des condamnations lourdes ont été prononcées, allant jusqu’à 10 ans de prison ferme.
Au Maroc comme en France et ailleurs, plusieurs comités de soutien au mouvement du 20 février se sont mis en place. Des rassemblements ont été interdits ou dispersés violemment dès le lendemain du 20 février dans plusieurs villes marocaines.
Poussé et acculé par le mouvement qui se renforce de plus en plus, l’Etat marocain a présenté des réponses qui consistent en la mise en place du Conseil Economique et Social, du Conseil National des Droits de l’Homme en remplacement du Conseil Consultatif des droits de l’Homme et en des promesses de révision de la Constitution prononcées le 9 mars dans un discours du chef de l’Etat. Le mouvement du 20 février ne désarme pas pour autant. Il considère que ses réponses officielles sont très en deçà de ses attentes et aspirations. Les derniers rassemblements et notamment celui de dimanche 13 mars à Casablanca ont connu une escalade dans la violence policière. Les forces de l’ordre n’ont pas hésité à mater les manifestants et à les poursuivre jusque dans les locaux casablancais du Parti Socialiste Unifié où ils ont essayé de se réfugier. Des responsables de ce parti, présents sur place, ont eux aussi été violentés. Une centaine de jeunes manifestants ont été arrêtés et remis en liberté plus tard et plusieurs d’autres ont été blessés.
Non loin de Casablanca, à Khouribga précisément où des jeunes, enfants d’anciens ouvriers de l’OCP (Office Chérifien du Phosphate) campaient depuis presque un mois pour réclamer d’être intégrés comme le prévoit le règlement de l’OCP, les forces de l’ordre vont, là aussi, s’illustrer par une intervention sauvage et brutale. A l’aube du mardi 15 mars, les participants au sit-in pacifique devant les locaux de l’OCP ont été surpris par l’assaut violent des forces de l’ordre. Des affrontements s’en sont suivis durant toute la journée. Les nouvelles sont alarmantes. Des appels au secours qui parlent de plusieurs blessés graves et même d’éventuels morts (non confirmé, les forces de l’ordre bloquent tous les accès aux hôpitaux et ne laissent filtrer aucune information) ont été lancés sur Internet.
Les vidéos et les photos postées sur la toile depuis le 20 février montrent toutes la violence et la sauvagerie des interventions policières pour disperser des rassemblements pourtant très pacifiques. Ceci contraste avec le discours de l’Etat marocain en matière de respect des droits de l’Homme. L’option sécuritaire montre bien le choix que font les autorités marocaines pour répondre aux aspirations du mouvement du 20 février.
L’ASDHOM dénonce avec force ce choix et rappelle aux responsables marocains leur devoir de prendre en considération les revendications légitimes du mouvement du 20 février. Elle exprime son adhésion totale à la dynamique de ce mouvement, porteur d’espoir pour notre pays. Les changements démocratiques que revendique ce mouvement sont nécessaires pour le Maroc. Il doit répondre favorablement à ces aspirations démocratiques s’il ne veut pas être mis au banc de la communauté internationale respectueuse des droits de l’Homme.
L’ASDHOM, membre du Comité marocain de suivi du 20 février, continue la mobilisation pour se solidariser avec la lutte du peuple marocain et appelle à manifester à Paris le dimanche 20 mars à 15h au départ du Parvis des droits de l’Homme en direction de l’Ambassade du Maroc.
Paris, le 16 mars 2011
Le Bureau Exécutif
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